Didier Marie le Bihan

photo Didier Marie Le Bihan - citrons

  

Peindre des natures mortes, c’est parier pour Didier-Marie Le Bihan, que l’on a affaire à un sujet de la langue. Il ne s’agit pas, comme il le précise, de se loger dans une hyper réalité, mais de rendre compte par son savoir-faire d’artiste de la dimension du nouage entre la chose représentée, le mot qui la désigne et l’évocation de la signification propre à chacun.

C’est là par l’art de la poétique  que Didier-Marie Le Bihan vient susciter chez le spectateur, la rémanence d’un souvenir en s’adressant à lui non pas par l’hyperréalisme de la représentation de l’objet, mais par le maniement de la mise en lumière, comme un espace inédit surgissant entre la chose et le mot.

L’espace rendu à la vision désigne là une place inhérente à l’effet de la parole sur le corps. Ce n’est pas seulement la vision portée sur l’objet qui est retenue là mais l’effet de la rémanence d’un souvenir à partir de la rencontre avec le réel de l’objet.

L’approche de cette question se soutient d’une exigence : celle de la technique du glacis. Le matériau est pris là comme tel dans un mouvement métonymique. Par la répétition voulue des gestes au-delà de l’immédiateté se jouxte la mise en œuvre d’un courant métaphorique construit autour de représentations mises en série. Cette mise en tension entre le visible et le lisible s’appuie sur une mise en perspective qui interroge ce que Didier-Marie Le Bihan désigne comme l’illusion portée à la vision, lorsque ce mode de traitement du réel apaise le traitement du poids des mots.

Dans son art de la composition, l’artiste ici rend compte des indices de l’illisible comme autant d’interrogations suscitées par son mode de représentation de la fenêtre offerte au regard, du lieu où semble s’échouer la vue, de son mode de rencontre avec la chose représentée où la variable temporelle s’exile de la dictature de l’urgence comme un mode d’apaisement.

L’objet regard porté à la dignité de la pulsion invoquante

Si la psychanalyse nous invite à la parole, elle nous enseigne à mettre cette parole en tension avec le signifiant et son noyau de réel.

Lacan nomme objet a ce qui échappe au langage. Cette faille dans laquelle advient la jouissance toujours silencieuse, est impossible à supporter si elle n’est pas bordée, asséchée pour faire place à une satisfaction, même si celle-ci va au-delà du plaisir du vivant du corps pulsionnel.

L’impossible à dire pour un sujet est ce qu’il en est pour lui d’être homme ou femme, vivant ou mort, alors que le sujet ne peut lui-même s’évoquer que de la coupure signifiante.

Chaque parlêtre construit sa modalité singulière pour nouer ou tenter de nouer le réel, le symbolique et l’imaginaire  à travers les modalités du fantasme, du symptôme, du délire voire de la création….

Un artiste, un peintre, témoigne ici de la création artistique.
Comment celle-ci fait elle limite, nous mène-t-elle à ce qui manque a être représenté et apaise [-t-elle…] quelque chose ?

Une mise l’abri de l’Autre

Par l’équivoque du langage, la tempête, permet à l’artiste de prendre une certaine distance dans son lien à l’Autre du langage en se mettant à l’abri. C’est alors qu’il va pouvoir se tourner vers les autres soit ici représenté par ce qu’il nomme le dehors et nouer une relation avec eux en ouvrant une fenêtre sur l’ailleurs ou un lieu fixe – une île.

Le statut de l’ouverture, chez Didier-Marie Le Bihan, offre au regard une fenêtre incluse dans une représentation soit une ouverture portée par la vision.

Un jeu de lumière

images

Le glacis par la technique de l’enduit, permet le mode de traitement de la lumière. Le blanc s’offre à la vision pour évoquer des sens totalement opposés. Ceci renvoie à l’idée d’équivoque, si on admet que la notion de couleur relève du signifiant au plus près de sa matérialité et que le blanc soit une couleur.

Distinction entre peur et angoisse

Si l’objet de la peur peut être identifié par le sujet et en tant que séparé de lui-même, extérieur, celui de l’angoisse par contre est indistinct, informe, innommable, Chose dont le sujet est habité, i..e. chose en lui-même, chose intime.

La parole éveille à la Chose angoissante qui réside dans la parole, à ce titre la parole peut transpercer et faire disparaître le sujet. Face à l’angoisse, à l’objet d’angoisse il peut y avoir trois décisions : le passage à l’acte, l’élimination de la parole et l’acte de parole.

Le savoir y faire de l’artiste

Par la mise en série de natures mortes, le sujet peut témoigner qu’il est martyr de la langue comme autant de rencontres avec le réel de la Chose, qui peuvent être lus comme des actes signifiants. Par son art et son savoir y faire, l’artiste nous enseigne sa langue singulière. C’est là où il n’y a pas déni de la langue proprement dite, car il n’y pas de recul devant la dimension de la responsabilité de sujet. Par son œuvre, Didier-Marie Le Bihan témoigne de la place où s’origine son inscription dans le langage comme sujet de parole.

 

Consultable sur le web : www.didierlebihan.com/

Cet entretien a été diffusé sur www.radio-a.com

Françoise Stark Mornington

 

Pour Le lisible dans l’illisible, Novembre 2012

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.