CAROLINE LE MEHAUTE

Suspensio

Negociation 70 : Suspensio

Source : http://www.carolinelemehaute.com/sculptures.html

L’acte de nommer

 

Caroline le Méhauté élève la matière à la dignité d’œuvre d’art en représentant le réel dans ses effets sur l’être parlant avant qu’il ne puisse être nommé. L’œuvre – à ce titre – semble être le produit d’une rencontre avec l’objet.

 

L’acte de regarder

 

La puissance de l’œuvre de l’art de l’artiste rend visible les contours du monde contemporain. L’art de cette œuvre semble soustraire du visible les amarres de la représentation en créant un suspens, donné-à-voir énigmatique dévoilant que le voir s’extrait sur fond de manque.

 

L’acte de présentifier

 

L’œuvre – comme enforme de l’espace du temps – laisse couler dans un continuum infini la pesanteur d’une pure présence visible, extraite de l’absence du voir. La matière s’érige alors comme une protestation envers le despotisme de l’éphémère.

 

L’acte de penser

 

L’artiste – comme sujet supposé incarner la pensée de l’objet – le transforme en œuvre d’art. L’objet authentifié révèle alors par la présence de l’auteure, l’arrachement à son non-être d’objet.

 

L’art de trouer le visible

 

L’artiste semble vouloir convier le regardeur à une étrange dialectique entre l’objet vidé de sa représentation commune et le surgissement de l’inattendu. Arraché à la sphère du connu, l’objet de l’absence est élevé à la vue. Le vide dévoilé comme objet presque absent de lui-même, se saisit comme manque, trou.

 

L’art de trouer le sens

 

Le geste artistique expose la matière sous nos yeux en adressant une question au spectateur à propos de son être d’œuvre d’art. « Qui suis-je ? ». L’œuvre de l’art semble y répondre par la réalisation de la mise en jeu des composantes de la voix rendue à l’objet, comme un au-delà du code de l’Autre.

 

Un acte de poésie

 

L’artiste rappelle que la totalité des moments du temps est une donnée qui ne se soutient que du désir de montrer de l’auteure et de celui de voir du regardant. L’œuvre – à ce titre – offre une réponse au surgissement de l’effet du réel qui ne se veut pas toute. Le singulier comme pas tout  incarné de l’œuvre suscite alors le désir – sans cesse renouvelé du regardeur – de contempler le creux laissé par l’objet de l’art, rendu visible par le désir de l’artiste.

 

Françoise Stark Mornington

Pour Le lisible dans l’illisible, juin 2016

Publication partagée / Alexis Raastel – Fondateur de la galerie ArchiRAAR / https://archiraar.com/caroline-le-mehaute/